
Un tribunal turc a ordonné l’emprisonnement du célèbre journaliste Sedef Kabas dans l’attente de son procès pour avoir insulté le président Recep Tayyip Erdogan en vertu d’une loi qui a vu des dizaines de milliers de personnes poursuivies.
La police a arrêté Kabas tôt samedi matin et l’a emmenée au poste de police principal d’Istanbul avant de la transférer au tribunal principal de la ville, qui a statué en faveur de son arrestation officielle.
L’insulte présumée prenait la forme d’un proverbe lié au palais que Kabas a exprimé à la fois sur une chaîne de télévision d’opposition et sur son compte Twitter, suscitant la condamnation des responsables gouvernementaux.
“Quand le bœuf monte au palais, il ne devient pas roi, mais le palais devient une grange”, a‑t-elle tweeté.
Fahrettin Altun, chef du département des communications de la Turquie, a dénoncé la déclaration.
“L’honneur du bureau de la présidence est l’honneur de notre pays… Je condamne les insultes vulgaires faites contre notre président et son bureau”, a tweeté Altun.
Abdulhamit Gul, le ministre turc de la Justice, a également déclaré sur Twitter que Kabas “obtiendrait ce qu’elle mérite” pour ses propos “illégaux”.
Kabas, 53 ans, a animé une série d’émissions de télévision de haut niveau au cours d’une carrière s’étalant sur trois décennies.
Elle a été envoyée à la prison de Bakirkoy à Istanbul, a déclaré son avocat Ugur Poyraz, ajoutant qu’il ferait appel de la décision “illégale” lundi. “Nous espérons que la Turquie pourra bientôt revenir à l’état de droit”, a ajouté Poyraz.
Merdan Yanardag, rédacteur en chef de la chaîne Tele 1, sur laquelle Kabas a fait les commentaires, a vivement critiqué son arrestation.
“Sa détention du jour au lendemain à 2h du matin à cause d’un proverbe est inacceptable”, a‑t-il écrit sur les réseaux sociaux. “Cette position est une tentative d’intimidation des journalistes, des médias et de la société.”
La loi sur l’insulte au président est passible d’une peine d’emprisonnement d’un à quatre ans.
Le chien de garde des médias turcs RTUK a ouvert séparément une enquête sur Tele 1 pour “déclarations inacceptables visant notre président”, a tweeté vendredi soir son président, Ebubekir Sahin.
Insulter Erdogan
En octobre dernier, le plus haut tribunal européen des droits de l’homme a appelé la Turquie à modifier la législation après avoir jugé que la détention d’un homme en vertu de la loi violait sa liberté d’expression.
Des dizaines de milliers de personnes ont été inculpées et condamnées pour avoir insulté Erdogan au cours des sept années écoulées depuis qu’il est passé de Premier ministre à président.
En 2020, 31 297 enquêtes ont été ouvertes en relation avec l’accusation, 7 790 dossiers ont été déposés et 3 325 ont abouti à des condamnations, selon les données du ministère de la Justice. Ces chiffres étaient légèrement inférieurs à ceux de l’année précédente.
Depuis 2014, année où Erdogan est devenu président, 160 169 enquêtes ont été ouvertes pour insulte au président, 35 507 affaires ont été déposées et il y a eu 12 881 condamnations.
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